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CAMPAGNE EAGER:
Premières leçons

Par les chefs de mission (Nathalie Babonneau et Gueorgui Ratzov)

 

Pour cette dernière conférence de la campagne EAGER, les chefs de mission nous ont présenté un résumé des données obtenues à bord. Ils ont commencé par comparer la carte des points de carottage prévisionnels avec les carottages effectués et les trajets de navigation. Alors que 34 sites de carottage étaient prévus, 32 carottes ont été collectées, ce qui représente 623m de longueur cumulée, soit une moyenne de 20 m par carotte. Seul un carottage a échoué (MD18-3524), 3 tubes ont été tordus et 14 box-cores ont été effectués (de 15cm à 1m). Plus de 1600 milles (soit 3000 km) de données bathymétriques (sondeur multifaisceaux) et de sondeur CHIRP ont été acquises. Cependant, nous avons rencontré quelques désagréments pour carotter. Nous avons dû décaler certains points de carottage à cause de la vitesse du courant du Kuroshio, la présence de zone de pêches et le mauvais temps. Malgré tout, le nombre de carottes est assez similaire à ce que nous attendions.

 

La zone d’échantillonnage est divisée en trois parties (Figure 1). La première est la zone de subduction des Ryukyus qui est elle-même séparée en deux parties : le bassin d’avant-arc (peu étroit) composé de plusieurs petits basins, et le prisme d’accrétion. La seconde partie est le bassin Huatung à l’est de Taïwan, et la troisième est au sud-est de Taïwan. Une partie des carottages dans cette dernière zone est destinée à la recherche d’hydrates de méthane. Les cinq carottes les plus profondes (>5000m) ont été échantillonnées dans le bassin Huatung. Dans ce bassin, on retrouve une grande quantité de canyons sous-marins associés à des chenaux-levées.

La carotte la plus longue mesure 45.98m. Elle a été forée dans la troisième partie au sud de Taïwan. Cette carotte jouera sûrement un rôle important lors de futures études paléoclimatiques.

 

L’ensemble de l’équipe est satisfaite de ces résultats préliminaires. Ces données permettront un large spectre d’études paléo-climatiques et d’aléas géologiques. Cette campagne montre le succès de la collaboration entre les chercheurs Taïwannais et Français et entre leurs institutions.

Figure 1 : Final map of the EAGER cruise – Carte finale de la campagne EAGER

17ème conférence : Yu-Huang Chen, Université NTU, Tawaïn

Yu-Huang Chen,
Institute of Oceanography, National Taiwan University, Taipei, Taiwan

 

Yu-Huang Chen est doctorant à l’Université NTU, à Taïwan.

Nous faisons face à un sérieux problème: le changement climatique. En exploitant les observations sur les typhons, nous pouvons nous rendre compte que le nombre de typhons tend à décroître dans la dernière décessnie, tout comme leur durée de passage sur la mer. Par contre, l’intensité des typhons s’accroît (Figure 1).


Figure 1 : The recent typhoon data

Du fait que nous n’avons des informations météorologique que depuis 50 ans, nous devons nous appuyer sur des données de carottages qui seules sont capables d’enregistrer les événements extrêmes de façon à vérifier que cette tendance est réelle.

La zone d’étude est la mer de Chine du Sud. Le système actuel à cet endroit est sous l’influence de la mousson. Comme cette région sous-marine est entourée de nombreuses îles, elle reçoit plus de 700 millions de tonnes de sédiment fluviaux  par an (Figure 2).

Figure 2 : Flux sédimentaires en mer de Chine du Sud

Dans cette recherché, Yu-Huang Chen se focalise sur l’événement  de Haiyan. C’est l’un des cyclones tropicaux les plus forts jamais enregistrés, qui a dévasté des régions entières du sud-est asiatique, particulièrement les Philippines, le 8 novembre 2013. Le typhon Haiyan est aussi le plus fort ouragan enregistré à terre sur les îles des Philippines. Il espère trouver les caractéristiques des turbidites déclenchées par ce typhon et reconstruire l’histoire des forts cyclones tropicaux de l’Ouest Pacifique. En utilisant les photographies des carottes et les images aux rayons X, nous pouvons mettre en évidence des discordances dans l’enregistrement sédimentaire des carottes (Figure 3).


Figure 3 :  Discordance dans enregistrement des carottes

Ceci nous indique la position de la couche en relation avec le typhon de Haiyan. Par ailleurs, il utilise le rapport C/N, le TOC (carbone total organique), la longueur des chaînes de carbone et leδ13C pour identifier la source des sédiments (Palawan). Une dernière caractéristique de cette couche est sa forte concentration en manganèse. Yu-Huang Chen montre que le manganèse n’est pas produit par oxydation, et donc qu’il caractérise bien le dépôt, d’origine terrigène.

16ème conférence : Elda Miramontes García, Université de Brest

Impact des courants profonds sur la morphologie
et la lithologie des fonds marins

 

Par Elda Miramontes García

Elda est en post-doctorat à l’Université de Brest et étudie la relation entre les processus océanographiques et sédimentaires dans la distribution de la faune sessile dans le détroit du Mozambique. Elle nous a également présenté son travail sur l’impact des courants de fonds sur les morphologies et les lithologies sous-marines, en particulier sur les dépôts contouritiques. Les contourites sont des dépôts sédimentaires ou retravaillés par l’activité persistante des courants de fond (figure 1).

Figure 1 : Représentation sismique de contourites
(Miramontes et al., 2016, Marine Geology)

L’analyse chimique des contourites permet de déterminer quand les masses de sable ont migré. Par exemple, les données sismiques et l’analyse de carottes sédimentaires ont permis de connaître les propriétés  des sédiments et de créer un modèle permettant de faire varier les paramètres océanographiques. Il y a une relation entre les contourites et les instabilités de pente (figure 2).

Figure 2 : Instabilités de pente (MTD, turbidites) au large de la Corse orientale (Miramontes et al., 2018, Landslides)

En effet, les hémipélagites et les contourites composées de boue montrent des résultats sédimentologiques et géotechniques similaires, le paramètre contrôlant la déstabilisation de pente est la morphologie des contourites. L’imagerie sismique de la colonne d’eau révèle la présence de vagues internes. Il s’agit d’un lien possible entre l’érosion des pentes et la formation des dunes sableuses.

Pour mieux comprendre ces phénomènes, de futures recherches tendent à identifier le faciès sédimentaire des contourites. Leur caractérisation permettrait de développer  un modèle permettant de différencier à partir de carottes, les hémipélagites et les turbidites. Pour cela, il est nécessaire d’étudier les processus océanographiques générant les contourites afin de déterminer la vitesse et la périodicité des courants (si ils sont permanents ou non) pour finalement connaître l’effet des courants de fonds sur les systèmes turbiditiques.

15ème conférence : Ryuichi SHINJO, Université des Ryukyus (Japon)

Volcanisme et géochimie
du système arc-fosse des Ryukyus

 

Ryuichi SHINJO est un chercheur Japonais, de l’université des Ryukyus. Spécialisé en géochimie, il est invité de cette campagne en tant qu’expert pour l’analyse des cendres volcaniques trouvées dans les carottes. Au cours de sa carrière, il a étudié les roches basaltiques du plateau éthiopien. Actuellement, ses recherches se concentrent sur le bassin ouest-Philippin (entre Taïwan et le Japon) (Figure 1).

Figure 1 : Carte de la zone de subduction entre la plaque Eurasienne au NW et la plaque Philippine au SE formant l’arc volcanique de Ryukyu. La flèche rouge représente la migration des volcans.

Les roches basaltiques sont des roches volcaniques aux origines multiples (Figure 2). Lors de l’amincissement d’une plaque continentale (par étirement), un rift se crée. Le manteau remonte vers la surface, subissant alors une décompression adiabatique. Cela engendre une fusion des roches générant un magma, qui en refroidissant forment le basalte (Figure 2 droite). Outre une décompression, l’origine du magma peut être due à une augmentation de la température (Figure 2 centre) comme le cas des points chauds comme l’archipel d’Hawaï produisant des Ocean Island Basalts ou OIB, ou encore de l’hydratation des roches du manteau dans les zones de subduction où la plaque plongeante (Figure 2 gauche), telle une éponge rejetant son eau.

Figure2 : Schéma d’explication des différentes configurations de genèse des basaltes, de gauche à droite : IAB, OIB, MORB.

Les basaltes ont une signature géochimique permettant de remonter au contexte de formation. Pour cela, Ryuichi s’appuie sur les éléments incompatibles présents dans les basaltes. Un élément incompatible (Ba, Sr, Rb, K…) est un élément qui privilégie la phase liquide à la phase solide lors de la fusion.

Le volcanisme de l’arc des Ryukyus migre vers l’Est (Figure 1). Au nord, ce phénomène est associé à la courbure de la plaque Philippine plongeante. Ryuichi a suggéré par analyses géochimiques des éléments incompatibles que cette courbure et donc cette migration des volcans en surface seraient liées à l’intrusion d’un point chaud dans cette zone de subduction (ou peut-être une fenêtre de slab). En effet, les volcans de cette région ne donnent donc pas des basaltes types de subduction mais des basaltes avec une signature de point chaud (OIB).

21 juin : 14 ème conférence, Marie Revel

Forçage de la mousson Africaine dans le bassin du Nil:
Proxys géochimiques et organiques

 

By Marie REVEL

Cette conférence fut dirigée par Marie REVEL et portait sur la mousson africaine dans le bassin du Nil à travers les proxys géochimiques et organiques.

La mousson est définie comme un changement dans la circulation atmosphérique forcée par le cycle annuel de radiation solaire et l’interaction mer-terre-air dans les latitudes tropicales. Il existe deux types de moussons : été et hiver. Pendant l’été, les flux de chaleur importants induisent une basse pression sur le continent et une haute pression sur l’océan. Ce gradient de pression induit des vents transportant la plupart des masses d’air provenant de l’océan vers le continent entrainant de fortes précipitations sur le continent. A l‘inverse, pendant l’hiver, c’est la situation inverse que l’on observe, c’est-à-dire que les précipitations se déversent sur l’océan (Figure 1).

Figure 1 : Cycle de la mousson-Monsooncycle

La basse pression est appelée ITCZ (Inter-Tropical Convergence Zone) ou ceinture de pluie. Donc, pendant l’hiver, l’ITCZ se situe au sud et pendant l’été elle migre vers le Nord, engendrant de fortes précipitations en Afrique et en Asie (Environ 240 mm de pluie par mois).

Dans le système de mousson Africaine, la plupart des masses d’air viennent de la région équatoriale et vont vers le nord de l’Afrique. Le Nil est composé de 3 types de sources : le Nil Bleu, le Nil Blanc et les poussières du Sahara (Figure 2, Bastian et al., PhD 2017).


Figure 2 : Carte de la zone et des sources -Map of the area and sources, after L. Bastian (2018)

Le Nil Bleu se situe en Éthiopie, est composé de basalte, qui est donc l’une des sources sédimentaires du Nil qui se déposent dans la mer Méditerranée où l’on peut trouver de la smectite (minéral argileux secondaire).

Afin de déterminer la zone source de sédiments, on utilise les isotopes du Nd. Les valeurs en eNd d’une carotte du delta du Nil se situent entre -2 et -7, soulignant une période de période de forte mousson et de faible mousson, qui proviennent du Nil bleu et blanc, respectivement, sans aucune poussière provenant du Sahara (Nd -11).

Dans les carottes sédimentaires prélevées en mer Méditerranée, de fines laminations sédimentaires indiquent des crues répétées du Nil provenant du Nil Bleu (Hauts plateaux Ethiopiens). De plus, chaque période humide survient tous les 21 000 ans, ce qui démontre que le mécanisme qui contrôle les variations de précipitations est la précession de la Terre qui contrôle elle-même l’insolation.

 

20 juin : 13ème conférence, Neng-Ti YU de NTHU

Traces géologiques passées du tsunami de “Keelung”  (AD 1867) que nous avons laissées derrière nous!

 

La conférence à bord a été présentée par Neng-Ti YU, un professeur taïwanais (NTHU). Il a présenté les différentes traces géologiques permettant de retracer le tsunami de « Keelung ».

Il s’agit d’un tsunami historique qui s’est produit en 1867. La vague s’est formée à partir d’un séisme et a été mesurée à 3.8 m dans la baie de Keelung (Figure 1). Ce tsunami est l’un des deux importants tsunamis dans l’histoire de Taïwan. Durant la courte histoire de cette région Taïwanaise, différents événements se sont produits à des intervalles réguliers. Pour résoudre ce problème, des études ont été réalisées dans la zone Nord de l’île.

Figure 1 : Carte de la zone étudiée

 Les premières preuves ont été retrouvées sur l’île de Heping dans des graviers marins fossiles positionnés entre des couches archéologiques (Figure 2). Ils ont été retrouvés à 6 m au-dessus du niveau de la mer, intercalés entre ces couches, et ont ainsi été préservés de l’érosion provenant des différents impacts des typhons.


Figure 2 : Gravier fossilifère à Heping

Les secondes preuves ont été retrouvées dans la plaine de Jingshan (Figure 1). Ici, il y a une bonne préservation car ils se sont déposés rapidement et forment une couche très épaisse. Il s’agit de deux couches de sables composées avec une proportion importante de quartz blanc retrouvées parmi les dépôts fluviatiles (Figure 3).

Figure 3 :  Les deux niveaux blancs riches en Quartz à Jinshan

Leurs compositions est proche de celle que l’on peut actuellement retrouver sur les plages. La composition des grains de sable montre une différence claire avec les dépôts fluviaux (Figure 4).


Figure 4 :Composition des grains de sable – Sand grain composition

 Au vu des indices retrouvés dans les sédiments, il est possible de reconstruire le fonctionnement des événements passés. Deux événements tsunamiques potentiels sont identifiés : TE1 (fin du 19ème siècle, soit probablement déclenché par le séisme de 1867), et TE2 (limite 17ème – 18ème siècles). L’étude des tsunamis passés nous permet de nous préparer pour les prochains.

19 juin : 12ème conférence, Yvan REAUD

Le carottage sur le Marion Dufresne
– Talk by Yvan REAUD –

Le navire de la flotte océanique française Marion Dufresne est à la pointe de la recherche scientifique dans de nombreux domaines. En ce qui concerna la recherche géologique, il possède un des meilleurs systèmes de carottage au monde : le Calypso II. Néanmoins, d’autres systèmes de carottage sont effectifs à son bord.

Lors d’un carottage visant à échantillonner la surface du sédiment (30 cm à 1 m), un carottier d’interface est alors utilisé comme le box-core (cf. « Outils à bord ») ou le carottier multitube. Pour pouvoir réaliser une carotte plus profonde dans le sédiment (de 3 à 15m), un carottier. de type gravitaire « CaSq » (tubulaire ou à flux de chaleur) est alors utilisé. Cependant ce type de carottage reste long et difficile.

Figure 1 : Carottier multitube, box-core et carottier de type gravitaire « CaSq » (de gauche à droite) (Réaud, 2017).

Si l’on veut aller plus en profondeur avec l’utilisation d’un carottier « classique » (gravitaire), une problématique apparaît. En effet, on assiste à une compaction des couches sédimentaires avec l’augmentation de la profondeur dans le sédiment, ce qui oppose une forte résistance à la pénétration. Ainsi, un système de “seringue inversée” du piston a alors été pensé par Kullenberg en 1947 mais ne pouvant carotter qu’a une profondeur de sédiment de 20 m (Figure 2). Afin d’échantillonner encore plus profond (de 15 à 75m), un carottier à piston stationnaire Kullenberg géant a été mis au point : le CALYPSO, tel qu’utilisé lors de la campagne EAGER (Figure 2). De nombreuses améliorations de la cinématique des carottages ont également eu lieu par la suite (cf. « Outils à bord ») afin de limiter la déformation à l’intérieur de la carotte (« pistonnage » ou « stretching » = étirement).

Figure 2 : Schéma d’un carottier CALYPSO et son fonctionnement
(de gauche à droite) (REAUD, 2017)

 

Figure 2. Principe du carottier à piston : problème de la déformation du sédiment imposée par la pénétration et remède par l’effet « seringue inversée » exercé par le piston (en rouge).

Le Marion Dufresne a dernièrement été équipé de nombreux outils de pointe facilitant la recherche scientifique tels que le sondeur multifaisceau et le sondeur de sédiment (cf. « Outils à bord »). Un treuil de carottage, d’hydrologie ILOT et un nouveau portique ainsi que la réhabilitation d’un PC science a été réalisé en 2015.

18 juin : 11ème conférence, Grégory BALLAS, Géosciences, Université de Montpellier

Hydrates de gaz, diagénèse précoces et aléas géologiques : le cas d’étude de la Mer Noire

 

Grégory BALLAS est Maître de Conférences et travaille dans le laboratoire de géosciences de Montpellier (France). Il a récemment étudié les hydrates de gaz dans la Mer Noire.

La Mer Noire est connectée avec la Mer de Marmara et le Mer d’Azov et ses eaux sont les plus anoxiques du monde (figure 1).

Figure 1:  Localisation des hydrates de gaz en Mer Noire. Bleu : hydrates de gaz ; rouge : échappement de gaz dans l’eau ; noir : volcans de boue

De nombreuses rivières se déversent également dans la Mer Noire. Il y a de nombreuses sources d’hydrates de gaz dans les eaux profondes mais c’est une zone tectoniquement inactive et les hydrates de gaz sont piégés longtemps dans les sédiments. Les principaux évènements de la région sont les variations du niveau de la mer et les arrivées massives d’eaux douces. Par exemple, il y a des connexions ou déconnexions des eaux de la Mer Noire avec l’océan global en fonction des cycles interglaciaires. La dissociation des gaz créent des instabilités dans la colonne sédimentaire qui peuvent être détectées avec des techniques d’observation sismiques. Au jour d’aujourd’hui, ces instabilités se trouvent sur le haut de la pente continentale. Quand les hydrates de gaz sont stables (périodes glaciaires), le comportement des gaz permet de « porter » les sédiments. Quand ils sont instables (périodes interglaciaires), le BSR (Bottom seismic Reflector, i.e. au toit des hydrates de gaz solides) descend et deux cas sont possibles : ils peuvent se dissocier ou se dissoudre dans les eaux marines (Figure 2).

Figure 2 : Schémas montrant le contexte hydro- sédimentaire durant les périodes glaciaires (gauche) ou interglaciaires (droite), amenant à une variation entre conditions oxique-anoxique et à une stratification de la colonne d’eau.

A cause des conditions d’anoxie, après le relargage des gaz dans les eaux marines, des réactions d’oxydation anaérobique du méthane et la réduction des sulfates en surface des sédiments ont lieu. La concentration en soufre augmente alors que celle en calcium diminue dans les couches profondes. Ce sont les seuls paramètres qui peuvent différencier les colonnes de sédiments en surface. Ces réactions ont lieu lors des périodes de crue quand la Mer Noire est isolée des autres masses d’eau et stratifiée. Les changements du niveau de la mer modifient les phénomènes de sédimentation et provoquent des variations de taux d’oxygène dissous et de stratification de la colonne d’eau.

16 juin : 10ème conférence, Andrew T. Lin et les membres du groupe de recherche du NCU Bassin et sédimentologie

Hydrates de gaz et paléosismologie de la zone de collision initiale entre l’arc volcanique et le continent  à Taïwan

Andrew T. Lin et les membres du groupe de recherche du NCU Bassin et sédimentologie

Andrew Tien-Shun LIN est co-coordinateur du programme doctoral TIGP-ESS. Ce programme se focalise sur les sédiments marins, du potentiel énergétique des hydrates de gaz, relation entre la tectonique et la sédimentation, tsunamis de l’Holocène et du stockage du carbone. Ils sont heureux d’accueillir des étudiants du monde entier.

Taiwan est une région où les tremblements de terre sont très fréquents à cause de la subduction de la plaque Eurasienne sous la plaque Philippine au Sud de Taiwan (voir Talks#1 Serge Lallemand). La fosse de Manille se prolonge sur l’île de Taiwan (Figure 1).

Figure 1 : Fosse Manila se prolongeant sur l’île deTaiwan / Manila trench connected to Taiwan

Le prisme d’accrétion est séparé en différentes parties : le bas de la pente, le haut de la pente, le plateau et pour finir l’arrière arc (Figure 2). Le bas et le haut de la pente et l’arrière arc présentent de nombreuses failles.

Figure 2 : Prisme d’accrétion avec les différents domaines faillés

Ces failles, par leur décalage, peuvent piéger des hydrates de gaz, tout comme certaines couches. Au niveau de la zone de subduction, deux failles majeures sont mises en évidence. La première est une surface de décollement (ligne en tirets verts, Figure 2). Dans cette zone, aucun tremblement de terre majeur n’est rapporté depuis 1782. La seconde faille est une faille d’accommodation où des séismes sont généralement observés. Ainsi, cette zone est gardée sous surveillance pour prévenir des risques sismiques. Chaque segment de faille peut produire une rupture, et donc un grand séisme. Chaque segment de faille représente un risqué de rupture potentielle par un séisme dont la magnitude pourrait atteindre la magnitude 8.3 au moins. Les scientifiques ont déjà recherché des turbidites afin de trouver une récurrence sismique. Le taux de glissement est évalué à 8 cm/an en vitesse relative entre Plaques Philippine et Eurasienne pour cette zone de subduction. Cependant, les taux de glissement sur chaque faille seraient bien plus faibles (apparemment, autour de 1 cm/an).

Les courants hyperpycnaux sont très fréquents à Taiwan à cause des crues de fleuve et du climat tropical. Ces phénomènes causent de nombreux dommages (Talks#5).  Les objectifs des études sont de distinguer les dépôts des courants hyperpycnaux des turbidités. Ils ont réussi à corréler des différentes paires de turbidités sur plusieurs carottes. Ils ont dénombré 6 évènements dans le Bassin Kengting durant les 13 derniers milliers ans
(Figure 3).


Figure 3 : Corrélation entre les turbidités au SO de Taïwan

Dans le canyon Gaoping, des évènements plus fréquents sont observés dans cette zone. La période de retour sismique est de 2000-2500 ans dans le bassin de Kengting dont le dernier évènement date de 300-400 ans.

De nombreuses prospections sismiques sont en cours visant à quantifier les réservoirs d’hydrate de gaz. La première estimation des réserves est autour de 7.3 billion de mètres cubes : un énorme potentiel de ressource énergétique fossile !

 

15 juin : 9ème conférence, Maria-Angela BASSETTI , Université de Perpignan (France)

L’expérience des forages scientifiques profonds :
un exemple dans la mer du Japon

 

Maria-Angela BASSETTI

Maria-Angela BASSETTI est une scientifique de l’université de Perpignan.
Elle est directrice adjointe du laboratoire CEFREM et également spécialiste en paléoenvironnement (sédimentologie et biologie des foraminifères benthiques). Lors de cette conférence, Maria-Angela nous a présenté quelques généralités sur les campagnes IOPD (Internationnal Ocean Drilling Program), ainsi qu’un exemple de forage carotté en mer du Japon.

IOPD est un programme de recherche scientifique réalisant des forages en mer profonde de 2013 à 2023. Deux programmes du même type ont déjà vu le jour : DSDP (Deep Sea Program Drilling), de 1968 à 1983 et ODP (Ocean Drilling Program) entre 1985 et 2003. L’acronyme IODP avait pour signification Integrated Oceanic Drilling Program de 2003 à 2013. Ces programmes n’ont pas de vocation industrielle. En Europe, les programmes sont organisés par ECORD. Pour accomplir cette tâche, deux bateaux foreurs sont utilisés, le N/O Joides Resolution armé par les Etats-Unis et le Chikyu par les japonais. Le premier est déployé dans toutes les mers du monde (Figure 1) et utilise une technologie appelée Advanced Piston Corer connue pour garder intact les carottes. Le Chikyu est le plus grand bateau foreur du monde et est déployé actuellement seulement dans l’Ouest du Pacifique. Il est capable de forer à des profondeurs importantes (> 3000 m de profondeur d’eau). L’ensemble des carottes prélevé sont archivé dans 3 sites différents selon la position géographique du point de forage (Figure 1).

Figure 1 : Localisation des forages scientifiques réalisés
à travers le monde depuis 1968

A bord de ces navires, les principales analyses préliminaires effectuées sont la description des carottes, études biostratigraphiques, géochimie et propriétés physiques des carottes (Figure 2).

Figure 2 : Les analyses préliminaires des carottes à bord du R/V Joides Resolution

La seconde partie de cette conférence se concentre sur le puits U1427, localisé sur la pente continentale de la mer du Japon. Ce site de forage n’est pas soumis à l’influence des courants océaniques, ce qui permet une bonne des sédiments datés de plus de 100 000 ans. L’une des sections datée correspond à l’étage isotopique marin 22 (MIS22) qui est une période glacière. Le MIS 22 correspond à la Transition du Pléistocène Moyen (TPM). Un changement majeur du climat a eu lieu à cette période. En effet la TPM est un période de bouleversement climatique dû au changement de période de cycle orbital de 40 Ma à 100 Ma. Ainsi la carotte U1427 est un témoin important de l’existence d’une telle période de transition TPM. Plusieurs hypothèses sont avancées concernant les conséquences des changements de régime climatique. La première, appelée SIS (Sea Ice Switch), correspond à une augmentation du volume de la banquise (glace de mer), entraînant une augmentation de l’albédo et donc un refroidissement global. La seconde, tiens compte d’une limitation de l’évaporation à la surface des mers, se qui rendrait le climat plus sec. La diminution de l’évaporation serait due à l’extension des glaces à la surfaces des océans. Pour résumer, le forage IODP346 permet de mettre en évidence une importante glaciation dans l’hémisphère Nord il y a 100 000 ans pendant le TPM.

Depuis les années 1968, les campagnes DSPD, ODP et maintenant IOPD, ont joué un rôle majeur dans la compréhension des mécanismes géologiques et paléoclimatiques façonnant notre planète.